Port Terreur:Journal d'exploration pour l'aventurier curieux, par l'Hardi Chey

De Bibliothèque Contrôliste

Préface

Une quantité incalculable d'individus ont déjà ressenti l'appel de l'aventure à un moment donné dans leurs vies ; après tout, qui n'a jamais rêvé de s'affranchir des normes étouffantes de notre société et devenir l'être le plus libre qui soit ? Mais en réalité, combien effectuent véritablement ce saut dans l'inconnue et deviennent des aventuriers ?

Voici une question que vous devriez vous poser avec plus d'insistance : combien réussissent ?

C'est avec cette mentalité en tête que l’œuvre autobiographique dans laquelle vous êtes sur le point de vous plonger vous présentera l'univers exclusif des hommes et femmes ayant décidé de braver les féroces dangers insoupçonnés des Terres Nouvelles.

Que vous soyez un jeune aventurier à la recherche de conseils, un vétéran à court d'inspiration ou un aristocrate en quête de frissons, je peux vous garantir que vous trouverez ce que vous cherchez à l'intérieur de ce récit.

Il faut se rappeler que ce texte est avant tout une histoire, et qu'il a comme fonction première de divertir ; cela n'empêche pas que tout ce que vous pourrez lire est véridique, même les passages les plus irréalistes.

Première Chronique

C'était avec le cœur lourd et la bourse vide que je me retrouvais sur l'île Change-Visage localisée à moins de trois jours de navigation de Port-Terreur. Je pouvais d'ores et déjà apercevoir les friches qui bordaient ce qui me semblait être une agglomération de bâtiments sur la côte, et je ne pouvais m'empêcher d'être déçu face à la vision qui s'offrait à moi.

J'aurais pu confondre la disposition des lieux pour n'importe quel camp de réfugiés avec ses tentes et l'atmosphère décrépie, si ce n'est pour les quelques hommes d'armes que je pouvais observer traversant de long en large le bourg une fois que j'eus accosté le ponton.

La première chose qui me surprit face à tout cela était l'apparence sale et dégarni des personnes présentes. Bien que je ne m'attendais pas aux armures immaculées des légions impériales, l'assortiment d'armures non reliées entre elles selon un thème commun me rappelait de mon temps passé dans une petite arène isolée des grandes villes, où l'on choisissait davantage le peu d'équipement présent selon sa fonction plutôt que de son esthétisme.

La dernière relique d'un temps passé que je gardais sur moi, c'est à dire le petit médaillon porte-bonheur que l'on m'avait remis une fois affranchi, me permit d'être logé à la seule auberge du coin pendant quelques temps parmi d'autres individus partageant tous les mêmes ambitions de grandeur démesurées.

C'est ainsi que j'ouïs la découverte d'une étrange structure localisée sur le flanc d'une falaise, et comment une expédition était déjà en cours de préparation pour profiter du fait d'être les premiers à s'y aventurer. Bien qu'une telle situation soit synonyme de risques plus importants, cela s'appliquait aussi pour tout potentiel trésor que nous découvririons.

Je fis ainsi la rencontre de trois autre aventuriers qui avaient saisi la même opportunité et qui n'étaient, pour l'instant, que liés par la promesse d'un enrichissement mutuel.

Griver était un homme simple que j'aurais placé dans la trentaine, d'un caractère concentré mais d'un corps qui trahissait une vie facile. D'un bref coup d'œil je pouvais prononcer avec certitude que Stev était son antonyme parfait. De son côté, Poy semblait plus destiné à quérir l'aumône avec son bâton et sa mule qu'à s'aventurer dans des lieux hostiles.

Notre équipe de quatre personnes, et de la mule Mémère dont j'appris le nom sous peu, s'engagea à travers les bois qui entouraient le campement pour déboucher sur une zone à l'élévation plus élevée. C'est après quelques heures de de vacillement que nous aperçûmes un renfoncement à travers la caillasse près du bord de la falaise qui correspondait à la description qui nous avait été donnée.

L'érosion laissait place à une entrée, pas suffisamment petite pour être appelée exiguë mais pas non plus suffisamment large pour être caractérisé de confortable. La mule étant restée à l'extérieur à cause du terrain impraticable et des roches aiguisées, et c'est avec ma lanterne et une rapide promesse de me la rendre plus tard que Griver s'avança en premier dans la faille avant que nous le suivions tous.

Un couloir complètement sombre se révéla à nous, et nous pouvions discerner des motifs architecturaux étranges sur le plafond nous surplombant. Je n'étais pas moi-même constructeur, mais je pouvais quand même apprécier la qualité artistique se dégageant de l'ensemble.

Au bout du couloir, nous pouvions discerner trois alcôves et une porte. Je ne savais pas pendant combien de temps les lieux avaient été isolés de l'extérieur, mais je pouvais en ressentir la vieillesse via d'anciennes traces sur le sol qui présupposaient de l'emplacement de meubles désormais poussières.

Mon observation se vit vérifiée lorsque nous arrivâmes face à la première alcôve, qui contenait un sarcophage peint représentant une sorte de créature avec un bas d'homme mais une tête de vipère. Le bois de l'objet était scellé de par des clous d'apparence imposants, et de par le temps qui avait dégradé la qualité même du matériel.

Une fois ouvert grâce à l'aide d'un pied de biche, une statue en argile semblable à un corps pétrifié identique au sarcophage se présenta à nous. En la secouant doucement nous nous rendîmes compte qu'elle semblait être le réceptacle d'un objet détenu en son sein, et nous décidâmes de l'ouvrir avec tout le respect qu'un tel artefact archéologique mérite.

Une fumée verte toxique se déversa de la statue néanmoins, et Poy qui était celui qui s'était attaché à cette tâche fut atteint. Ce n'était pas sans me rappeler du genre de produit chimique utilisé dans l'extermination de vermines, et je suis sûr que Poy auraient été d'accord s'il n'avait pas été si occupé à se précipiter à l'extérieur pour aspirer des goulées d'air frais.

Une fois cette expérience désagréable passée, nous aperçûmes une amulette en or gravée parmi les restes de la statue, ce qui nous revigora pour retenter l'expérience sur le reste des statues se trouvant dans les autres alcôves.

Nos efforts furent récompensés par deux autres amulettes, ainsi qu'un anneau brillant légèrement d'une lueur surnaturelle. Ceci était la première fois que j'avais pu observer un objet magique de près, mais il ne m'inspirait pas grande admiration lorsque comparé à l'imaginaire collectif partagé sur le sujet.

Après une courte pause pour reprendre de nos forces, nous approchâmes finalement de la porte située au fond du couloir. Elle était imposante, et barrée d'une pierre soutenue par deux crochets en acier. Nous fûmes peut-être précipités dans notre démarche à vouloir accéder à la salle suivante, et nous n'aurions sûrement pas remarqués le fait que les crochets se soulevaient en même temps que la pierre que nous manœuvrions si Poy que nous avions désigné comme observateur ne nous en avait pas alerté.

Nous décidâmes donc d'accrocher deux sac lestés de pierres trouvées à l'extérieur pour empêcher que les crochets remontent en même temps que la pierre, en guise de précaution. Une fois celle-ci délogée de son soutien, et une fois la porte franchie, nous pûmes observer que notre travail n'était pas vain en découvrant un mécanisme inconnu logé au plafond qui était relié aux deux crochets.

La réalisation que nous étions passé si près d'un piège potentiellement mortel nous affligea de sueurs froides comparables à celles qu'un homme pouvait expérimenter en manquant de quelques centimètres le bord d'un précipice sans fond, mais cela n'était que très petit lorsque mis en comparaison avec l'épreuve qui suivit.

Arrivés dans une pièce funéraire richement décorée et colorée, dans la mesure du possible pour un endroit ayant enduré un si long passage du temps, notre attention fut immédiatement attirée par les trois sarcophages en métal prônant au milieu de la pièce. Leur manufacture avait été accomplie à l'aide de pierres précieuses, avec le sarcophage du milieu plus richement garni et qui nous donnait une impression masculine à la différence des deux autres sarcophages féminins.

Avec une observation plus approfondie, nous pouvions remarquer du lierre qui se déversait dans la pièce via une fracture sur le haut de la pièce. Sur le flanc, on pouvait apercevoir une autre salle remplie uniquement d'une impressionnante statue en pierre d'un serpent à quatre bras éclairé d'un rayon de soleil à cause d'une nouvelle fissure. Je dois dire qu'une telle vue m'apparaissait curieusement onirique et de mauvaise augure.

Nous concentrant sur l'antichambre, je tâtai les sarcophages du bout de ma hache pour me rendre compte que leurs intérieurs étaient creux. Nous souvenant de la fumée toxique, Poy décida de récupérer quelques mètres de lierre pour ouvrir à distance et en sûreté le sarcophage féminin de gauche.

Avant de procéder, Stev nous proposa de déplacer la pierre que nous avions délogé afin de bloquer la porte et de ne pas se retrouver bloqué, ce que nous firent et qui nous sauva probablement la vie juste après.

Tout se déroula à la perfection, jusqu'à ce que le sarcophage bascule et tombe dans un bruit assourdissant qui résonna à l'intérieur de la structure. nous retînmes notre respiration, et tout sembla silencieux jusqu'à ce qu'un râle se fasse entendre et qu'un squelette émerge du sarcophage effondré.

Là encore, mes attentes furent renversées lorsque j'aperçus que le squelette, mi-homme mi-serpent, nous surpassait en taille d'une tête et possédait des bras anormalement allongés qui ne présageaient de rien de bon. Une malveillance se dégageait de la créature, et nous nous déployèrent en arrière dans le couloir duquel nous venions via la porte dont nous avions assuré l'ouverture précédemment.

Bien évidemment nous furent suivis, et l'hybride dut baisser sa tête pour nous rejoindre dans le tunnel. Notre formation de combat était la suivante : Stev et moi-même en face et prêts à recevoir le squelette de front pendant que Poy et Griver constituaient notre ligne arrière.

Ils allèrent justement s'équiper de deux briques près de l'entrée pour les lancer sur l'ennemi. D'un admirable lancer, Poy réussit à lui arracher le bras à la jointure de l'épaule.

Malheureusement cela voulait dire qu'il lui restait tout de même un autre bras, qu'il ne manqua pas de se servir pour m'attraper la jambe malgré ma compétence à la hache. Je soupçonne qu'il ait agi de cette façon en raison de la disparition de sa mâchoire de vipère et de ses crocs, mais cela ne l'empêcha pas de me blesser en me projetant violemment sur le sol à répétition.

Stev accourut vaillamment à ma rescousse d'un lancer de hache qui aurait sûrement été très efficace si l'hybride se trouvait 20 mètres en arrière, mais dans les faits il se retrouva ainsi sans arme et j'eus du compter sur l'intervention de Poy qui d'un coup sec de pied de biche fit partir la tête du squelette non loin de la hache de Stev.

Délivré de la poigne de fer de la créature, elle ne s'effondra cependant pas comme je m'y attendais mais commença à s'agiter d'une manière confuse. Dans un tel état, je me demande si elle n'était pas moins dangereuse lorsqu'elle possédait toujours sa tête.

Stev défia la raison et s'élança vers le squelette afin de le passer et récupérer sa tête, tout en se prenant un premier coup de bouclier comme prix de passage. Une fois le crâne sécurisé, il revint de nouveau vers nous, et cette fois son bouclier n'endura pas une attaque qui était dirigée vers son visage et se brisa.

Une fois de retour parmi notre bande, Poy se saisit d'une brique et éclata le crâne. Nous pouvions enfin déclarer l'ennemi comme "mort" lorsque le squelette arrêta de se mouvoir et s'effondra au sol.

Une fois nos émotions stabilisées à la suite d'un tel combat, j'empruntai le pied de biche et la dague de Poy pour récolter les pierres précieuses durement méritées du désormais vide sarcophage. Nous n'étions pas assez fous pour nous approcher des deux autres cercueils, dans l'appréhension d'attirer le courroux d'autres créatures semblables à celle que nous venions d'affronter.

S'approchant de la statue précédemment repérée, nous découvrîmes l'entrée d'un passage secret dévoilée dû à l'érosion de la dalle située devant l'effigie grâce à un mince filet d'eau coulant vers le sol. J'étais de plus en plus surpris face à cette érosion qui d'abord nous avait révélé l'entrée de cette crypte, puis désormais d'un passage secret que nous aurions manqué faute de quoi.

Toutefois avant de continuer plus loin, nous prirent la décision de couvrir les deux sarcophages restants grâce à la pierre barrant précédemment la porte et une quantité importante de lierre. Nous utilisâmes le reste du bouclier de Stev afin de bloquer la porte, ainsi que quelques pierres que nous avions sous la main.

Après avoir glissé l'anneau magique au doigt de la statue dans un doute optimiste mais qui ne révéla rien, nous nous aventurâmes dans le passage en descendant une échelle avec une fois de plus Griver devant pour arriver dans une salle bordée de six armures en métal équipées d'énormes épées. C'est en essayant de désarmer la première statue que nous découvrîmes qu'elle étaient forgées d'un seul et même bloc.

Ce ne fut pas suffisant pour alléger notre paranoïa malgré tout, et une nouvelle fois le lierre se trouva être notre allié lorsque nous ligotâmes les pieds de toutes les statues. Je ne sais pas si le récit d'armures mouvantes appartiennent davantage à la fiction qu'à la réalité, mais il était impossible d'abuser de prudence dans les conditions où nous nous étions trouvés.

Une armure sur la gauche légèrement non-alignée avec le reste de ses compères nous avait mis initialement mal à l'aise, jusqu'à ce que nous sentîmes un léger courant d'air émanant de derrière la statue qui trahissait de la présence d'une crevasse dissimulée.

Prenant son courage à deux mains, Poy se saisit d'une torche fournie par Stev et s'y aventura. Pendant ce temps, Griver et Stev enquêtèrent vers la continuation de la pièce, c'est à dire une pièce octogonale bordée de six portes et d'un bassin à son milieu d'où avait semblé émaner des bruits de grattement.

Parmi ces portes, celle directement en face de la pièce où je me trouvais toujours était faite de pierre massivement ornée de gravure. Toutes les autres portes suivaient ce schéma, sans l'ornementation, à l'exception de la deuxième porte à partir de la droite qui était en bois. On pouvait voir directement sur la droite avant la moindre porte un couloir trop long pour pouvoir discerner la moindre chose à son bout.

Avant que les deux autres Hardis puissent trop s'avancer, Poy revint équipé de deux hallebardes en argent de très bonne conception finement décorées et d'un masque de serpent en argent évoquant un but cérémonial. J'en profita pour échanger ma hache avec une hallebarde pour le temps présent, et c'était à ce moment que Griver se pencha vers le bassin pour contempler l'eau noirâtre qui y résidait.

Avant qu'il n'ait le temps d'arriver à la moindre conclusion, une main putride qui n'était même pas reliée à un corps jaillit de la surface et vint écraser la gorge de Griver d'une fermeté redoutable.

C'est avec choc que nous assistâmes à cette agression soudaine, et étant l'un des plus proche de lui j'étais l'un des mieux placés pour l'aider. Malheureusement, j'avais équipé une arme beaucoup trop imprécise pour pouvoir attaquer la main sans décapiter l'étouffé. C'est en laissant tomber l'hallebarde au sol que je dégaina le couteau à ma ceinture d'un geste précis et le planta dans la main, étant aidé par Stev qui la maintenait en place et réussissant ainsi à la découper proprement en deux et libérant Griver.

Une deuxième main jaillit des flots, mais fut repoussée d'un coup du bâton de Poy qui nous avait rattrapé avant que l'on puisse réagir. Nous nous écartâmes promptement du bassin suite à cela, prirent les artéfacts exhumés avec nous et sortîmes de la crypte en savourant les rayons du soleil une fois à l'extérieur.

Pour une juste répartition des objets, nous nous mîmes d'accord chacun pour repartir avec ce qui nous semblait être une part égale, et c'est ainsi que je me retrouva avec les deux hallebardes en argent.

Nous repartîmes vers le camp, et nous séparèrent chacun de notre côté pour aller interagir avec les différents marchands présents sur le site. À ma surprise il n'y en avait que trois, et je fus dirigé vers Suni qui s'occupait des armes et armures.

Je réussi à vendre mon butin pour la bonne somme de deux-cents pièces d'or, une aubaine comparé à l'état dans lequel j'étais arrivé sur l'île. Malheureusement, je reconnus mon manque de protection et dû dépenser aussitôt toute ma fortune afin de commander un heaume pour des expéditions futures.

J'espérai fortement que j'arriverais à amasser des fonds dans une épargne pour le futur, et que mon statut de pauvreté ne devienne pas une habitude. Après tout, pourquoi donc serais-je devenu un aventurier ?

Deuxième Chronique